C’est au moment de la Révolution que leur usage se répand, suivant l’exemple donné en 1790, par le curé de Saint-Gaudent, dans la Vienne, qui fait transplanter un chêne de la forêt voisine au milieu de la place de son village.
Faut-il y voir une imitation des « poteaux de la Liberté » plantés aux États-Unis à la suite de la guerre de l’indépendance ( 1775 à 1783 ) ?
Ou une reprise de l’ancienne tradition païenne de « l’arbre de mai », planté au moment des fêtes de la fécondité ? Avec dans ce cas, la satisfaction pour les révolutionnaires de s’affranchir davantage des règles de l’Eglise, car le Concile de Milan, en 1579 avait interdit « le premier jour de mai, fête des apôtres saint Jacques et saint Philippe, de couper les arbres avec leurs branches, de les promener dans les rues et dans les carrefours, et de les planter ensuite avec des cérémonies folles et ridicules » ?
Dans son « Essai historique et patriotique sur les arbres de la Liberté », l’abbé Grégoire préconise, pour choisir son arbre :
- « Qu’il soit assez robuste pour supporter les plus grands froids, sans quoi un hiver rigoureux pourrait le faire disparaître du sol de la République…
- Il doit être choisi parmi les arbres de première grandeur…, car la force et la grandeur d’un arbre inspirent un sentiment de respect qui se lie naturellement à l’objet dont il est le symbole.
- La circonférence doit occuper une certaine étendue de terrain…, ce qui le rendra plus capable de remuer les sens et de parler fortement à l’âme.
- L’ampleur de son ombrage doit être telle que les citoyens trouvent un abri contre la pluie et les chaleurs sous ses rameaux hospitaliers. …
- Il doit être d’une longue vie…
- Il faut enfin qu’il puisse croître isolément dans toutes les contrées de la République. »
Et il conseille de choisir les chênes qui répondent le mieux à ces critères. Pourtant c’est le peuplier qui sera choisi le plus souvent, peut-être parce que son nom latin populus prête à un calembour symbolique .
En 1792 l’Abbé Grégoire dénombre plus de soixante-mille « arbres de la Liberté » en France. Il y en a plus de deux-cents à Paris, et Louis XVI lui-même en plante un dans le jardin des Tuileries. Cet arbre sera abattu en pluviôse an II : « L’arbre de la liberté ne saurait croître s’il n’était arrosé du sang des rois » (Barère de Vieuzac ).
Baptisés « arbres de Napoléon » sous l’empire, ces arbres sont également perçus comme un symbole révolutionnaire, et Louis XVIII demande donc leur abattage.
On en replante après la révolution de février 1848… pour les couper durant la répression de 1850.
Les victoires des deux guerres mondiales sont l’occasion d’autres plantations, de même que la célébration d’anniversaires, mais sans être généralisées à l’échelle nationale.
A Rambouillet on en plante 5. Aucun n’a survécu bien longtemps. Le dernier connu était dans la cour de l’ancien hôpital de Rambouillet (Pavillon de Penthièvre). Il a été abattu dans les années 1930, soit parce qu’il était malade, soit parce que le quartier a été loti.
Aujourd’hui, la plantation d’un arbre prend un sens différent : on le célèbre pour ce qu’il est, pour ce que nous lui devons, et pour ce qu’il peut nous apporter, plutôt qu’à titre de symbole.
C’est ainsi que le 18 mars 2012 à l’occasion de la visite à Rambouillet de Kalyan Banerjee, président du Rotary International, cinq magnolias ont été plantés pour célébrer la reconstitution à l’identique de l’arborétum détruit par la tempête de 1999, derrière la laiterie du parc du château.
Le président du sénat Gérard Larcher s’est associé à leur plantation.
Souhaitons leur longue vie !
Christian Rouet
Cet article est tiré de « les arbres de la Liberté » : cliquer ici – Le Pays d’Yveline, un lieu de mémoire dédié au Pays d’Yveline : yveline.org – Crédit photo : Christian Rouet