« La Rûche » (1904–1917), une école libertaire fondée à Rambouillet, à la Belle-Epoque, par Sébastien Faure.
« La Ruche » installée au lieu dit « le Patis » cette école d’Education nouvelle sera active de 1904 à 1917. Elle accueillait tous les enfants nés de familles pauvres et assurait leur formation vers un métier manuel. Ce fut aussi le refuge de tous les orphelins dont les parents (Anarchistes ou perçus comme tels) furent victimes de la terrible répression dictée par le pouvoir de l’époque.
En 1904, Sébastien Faure ouvre à Rambouillet (78) une école libertaire, mixte, destinée à l’accueil et l’éducation de jeunes enfants défavorisés. Ce célèbre théoricien de la cause anarchiste va s’y consacrer entièrement. Il en saura le concepteur, le gestionnaire, le directeur pédagogique, l’enseignant et, bien entendu, le financier. Sébastien Faure (1858-1942), ancien agent d’assurance, devenu conférencier professionnel, sera l’une des grandes figures de l’anarchie en France, à la Belle-Epoque ! Il sera également un pédagogue de renommée internationale. Ami de Louise Michel, la célèbre « Vierge rouge », il mènera quelques combats idéologiques à ses côtés.
L’école libertaire de Rambouillet
Le concept est original pour l’époque. Il s’inscrit dans un courant de pensée qui a débuté au XIXe siècle sous l’impulsion du militant socialiste Fourier. Il prône alors les avantages d’une éducation intégrale. L’organisation et les règles de La Ruche sont assez proches de celles de « Campuis », règles de base dont S. Faure semble s’être largement inspiré. La différence fondamentale réside dans le fait que « l’orphelinat Campuis » de Paul Robin, intervenait dans le cadre strict et contrôlé de l’éducation nationale, alors que l’école de Sébastien Faure est une institution privée. Elle fonctionne alors en toute indépendance avec une totale autonomie budgétaire ! En janvier 1904, Sébastien Faure loue un domaine 25 ha, au lieu-dit « Le Pâtis », une immense ferme située à l’entrée la commune de Rambouillet (Seine & Oise). Ce même domaine se situait au niveau de l’actuelle rue de la Grange Colombe. Dans la nuit du 1er au 2 janvier 1905, un incendie d’origine accidentelle va détruire presque totalement l’un des bâtiments. Fort heureusement, aucune victime n’est à déplorer lors de ce sinistre, mais les dégâts demeurent importants. Grâce aux soutiens bénévoles dont dispose S. Faure, la reconstruction sera exécutée en un temps record. Dès le mois de novembre 1905, l’école est en mesure d’accueillir un premier contingent d’enfants. Le quotidien l’Aurore du 8 juillet 1905, publiera un communiqué de Sébastien Faure, une sorte d’appel aux dons, dont voici la teneur :
« J’ai loué à 50 km de Paris, dans un hameau qui s’appelle « le Pâtis », commune de Rambouillet, Seine & Oise, une ferme de 25 ha, comprenant : bois, prairie, terres arables, jardins potagers et fruitiers, maison d’habitation et dépendances. J’y prendrai entièrement à ma charge des enfants orphelins ou abandonnés et des enfants appartenant à des familles nécessiteuses. Jusqu’à 12 ans, les enfants recevront l’instruction primaire. De 12 à 15 ans, ils apprendront un métier. Depuis un an, cette ferme, à laquelle je donne le nom de « La Ruche », a été mise en état de rendement. Malgré un incendie qui, en janvier dernier, a détruit la maison (que l’on a reconstruit à l’heure actuelle), tout est prêt pour recevoir à « la Ruche » les enfants appelés à y trouver les soins, l’affection et le développement physique, intellectuel et moral, que nécessite leur âge et qu’ils ne rencontreraient pas ailleurs ! L’œuvre fondée et fonctionnant, je me charge de la faire vivre et prospérer par le produit de mon travail personnel. Mais pour l’installation il semble indispensable d’obtenir : lits, literies, lavabos, mobilier, etc. Je prends donc la liberté de faire appel à votre cœur et de solliciter votre concours… »
Pour Sébastien Faure, une telle école se doit d’être principalement basé sur l’éducation. Elle doit porter au maximum sur le développement de toutes les facultés de l’enfant.
Il conçoit cette éducation autour d’un milieu sain où règne l’honnêteté intellectuelle et morale. Voici quelques règles essentielles à ses yeux. L’école sera en mesure d’accueillir une quarantaine d’enfants venant de familles pauvres ou orphelins. La Ruche a son règlement. L’enfant doit remplir trois conditions pour être admissible à l’école :
- Être en bonne santé ;
- Être âgé de six à dix ans lors de son admission ;
- La famille doit prendre l’engagement de laisser l’enfant à La Ruche jusqu’à l’âge de seize ans, moment où il aura alors acquis les bases d’un métier manuel.
En ce qui concerne encadrement, les professeurs et éducateurs seront tous bénévoles. Les cours reposent sur un travail basé sur l’autonomie des enfants, une utilisation de la méthode positive et l’absence de classement. Les élèves sont répartis en trois groupes, en fonction de leur âge : les petits, les moyens et les grands. Jusqu’à l’âge de 12 où 13 ans, ils ne font qu’aller en classe. De 12 à 15 ans, ils sont une partie de la journée en classe et l’autre partie du temps, ils sont dans les ateliers d’apprentissage (menuiserie, imprimerie, forge, cordonnerie, couture, etc.) ou les champs. A partir de 15 ans, ils doivent consacrer leur temps au travail, que se soit dans les ateliers, les vergers ou les champs. Néanmoins, les études ne sont pas terminées pour autant. Les grands sont soumis à des cours du soir dispensés en salle par des professeurs bénévoles, dont certains viennent de l’extérieur de l’établissement.
Exit « La Rûche » …
Après treize ans de fonctionnement, sans accroc notable, cette belle expérience va prendre fin en février 1917. La mobilisation générale de 1914, lors de l’entrée en guerre de la France, a privé Sébastien Faure de ses meilleurs professeurs et encadrants. La plupart des professeurs mobilisés seront tués sur les divers fronts de ce conflit franco-allemand. La situation économique du pays est alors alarmante et Sébastien Faure n’a bientôt plus les moyens financiers indispensables à la poursuite de son œuvre ! Il s’en expliquera un peu plus tard, dans l’un de ses ouvrages publiés.
« La guerre maudite est venue, soumettant « La Ruche » à la plus rude des épreuves. La mobilisation l’a privée brutalement de la presque totalité de ses collaborateurs. Nos modestes ateliers ont été fermés et le sont restés depuis août 1914. Le droit de réunion étant supprimé, j’ai du renoncer à mes conférences dont le produit constituait 75% environ des recettes qui alimentaient la caisse… En février 1917, « La Ruche » mourut victime, comme tant d’autres œuvres amoureusement édifiées, de la guerre à jamais abhorrée ! »
Il est intéressant de connaître, pour la petite histoire, un fait historique se rapportant à la Rûche. En 1894, lorsque l’anarchiste Auguste Vaillant fut guillotiné pour avoir cIl est intéressant de connaître, pour la petite histoire, un fait historique se rapportant à La Ruche. En 1894, lorsque l’anarchiste Auguste Vaillant fut guillotiné pour avoir commis un attentat à la bombe à l’Assemblée nationale, le 9 décembre 1893, son enfant unique, la petite Sidonie Vaillant, dont le tuteur officiel était Sébastien Faure, intégrera « La Ruche » à Rambouillet et sera prise en charge au sein de cette institution. Fort bien élevée, semble t-il, puisque ayant atteint l’âge de sa majorité, Sidonie Vaillant épousera un personnage célèbre du monde des arts et des lettres… [1]
[1] – cf.- « La face sombre de la Belle-Epoque » par Michel Malherbe – Editions de Borée – 2016
Auteur de l’article : Michel Malherbe
Crédit photo : Michel Malherbe
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