« Pierrot-le-Fou » & le gang des Tractions Avant
Conférence publique animée par Michel Malherbe (écrivain-historien)
Date : 17 mai 2022 de 14 à 17h
Lieu : « La petite Ferme » à Janvry (91640)
Ainsi nommé par les médias de l’époque, le « gang des Tractions Avant » désignait alors une bande de malfaiteurs qui écumèrent la France entière à la fin de la Seconde Guerre mondiale (entre 1945/1947).
Ces redoutables truands sont alors issus du Milieu parisien et beaucoup de ces figures du banditisme furent de cruels exécutants de la Gestapo française. Mais ce gang est indissociable de la personnalité hors norme de son chef : Pierre Loutrel, alias « Pierrot-le-fou ». Un personnage ambigu qui, après avoir fait la chasse aux résistants français pour le compte de l’occupant nazi, va intégrer opportunément le légendaire réseau Morhange de la résistance toulousaine. Il devient alors le lieutenant Déricourt, un FFI au passé glorieux. Après quelques mois, à peine le temps se refaire un semblant de virginité, Pierre Loutrel est démasqué par les autorités. Exit le brillant lieutenant Déricourt, la police recherche alors Pierre Loutrel, dangereux malfaiteur et collabo ! Sentant le vent tourner, guidé sans doute par son instinct paysan, il a juste le temps de se mettre en cavale pour échapper à un jugement sommaire se terminant immanquablement devant un peloton d’exécution…La clandestinité, c’est bien, mais il faut manger pour vivre ! Loutrel va donc se consacrer à ce qu’il connait le mieux, le vol à main armée ! Avec sa bande composée de malfrats de haut niveau, le gang des Tractions va se livrer à une multitude de braquages violents, voire meurtriers, dans la majorité des cas : établissements bancaires, encaisseurs, fourgons blindés, etc. La police de l’époque, déstabilisée et fragilisée par les années d’occupation et les vagues d’épuration qui suivirent, fait pâle figure devant de tels malfaiteurs ! Elle sera souvent la risée des Médias du moment.
La signature de ce groupe sera de faire « parler la poudre » avant même toute amorce de discussion !Bien entendu, ce genre d’activité implique obligatoirement un moyen de fuite rapide et performant. Le gang va donc opter pour ce qui se fait de mieux à cette époque, le nec plus ultra en matière d’automobiles : la Citroën Traction Avant. Rapide, spacieuse, d’une tenue de route exemplaire et si facile à voler, cette merveilleuse auto deviendra rapidement la « marque de fabrique » du gang Loutrel. Ce dernier, en raison de son comportement imprévisible et violent, a hérité d’un sobriquet : « Pierrot-le-fou ».Tout un programme…
Au plan technique la police de l’immédiat après-guerre faisait figure de parent pauvre de l’administration française. Le parc automobile de la Police judiciaire parisienne se composait – en 1945 – d’une vingtaine de véhicules automobiles, principalement des Renault Celtaquatre et Peugeot 202, matériel ayant fait son temps et très souvent immobilisé par de trop nombreuses pannes mécaniques. Face aux puissantes Citroën Tractions de la bande et la détermination des malfaiteurs, les malheureux policiers étaient bien loin de faire le poids…
Une boutade de cette époque résumait fort bien la situation : « la Traction avant, les flics derrière »…
Après bien des turpitudes qui vont défrayer la chronique et faire le bonheur de la presse du moment, l’aventure sanglante du gang des Tractions va prendre fin en 1946, avec la mort fortuite de Pierre Loutrel. Ce dernier, après avoir commis un braquage en état d’ébriété très avancé, va se tirer un coup de feu accidentel dans l’abdomen en glissant son Colt 11,43 mm dans sa ceinture… Un décès peu commun, bien à l’image de ce personnage haut en couleur ! Mieux encore, inhumé clandestinement par ses complices sur un petit bras de la Seine, près de Meulan (78), son décès ne sera connu et officialisé qu’en 1949. Qu’importe, puisque durant près de trois ans, le fantôme de l’insaisissable « Pierrot-le-Fou » sera de tous les braquages et de toutes les exécutions sommaires. Il sera ainsi le premier gangster post mortem de l’histoire !
De la bande à Bonnotau gang Loutrel, il n’y a qu’un pas. Et il est vite franchi ! Un bien étrange raccourci, certes, mais faire un parallèle serait bien tentant. En effet, il existe, entre ces deux affaires, célèbres dans l’histoire du banditisme français, bien des éléments similaires ! Nullement en ce qui concerne la période : 1912 pour Jules Bonnot, 1946 pour Pierre Loutrel, mais pour les techniques employées et la violence d’exécution au cœur de l’action. Ajoutons à cela une existence éphémère de ces deux gangs. Guère plus d’une année dans les deux cas, mais avec des dégâts considérables et beaucoup de victimes collatérales. A cette époque, la France sort de cinq années d’Occupation allemande, avec ses horreurs, période où la cote de la vie humaine semble être à son plus bas niveau !
Le gang des Tractions avant (principaux membres) :
Crédit photo : Michel Malherbe